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COMPRENDRE ET TRANSCENDER LA VIOLENCE EN TENDRESSE

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Message  Mickael Dim 20 Jan - 17:43




COMPRENDRE ET TRANSCENDER LA VIOLENCE EN TENDRESSE

La violence est un sujet pour lequel on se préoccupe de plus en plus. L'homme qui s'interroge sur son devenir, qui s'interroge ne serait-ce que sur sa survie, constate que la violence est une réalité omniprésente. Tous les jours, nous sommes confrontés à la violence ; à la "petite violence" comme celle des enfants qui se chamaillent dans la rue ; comme celle de cet enfant qui se fait racketer à l'entrée de son école ; comme celle qui éclate au bureau entre deux collègues qui se disputent sur une question secondaire ...

Tous les jours, nous sommes également confrontés à une plus grande violence : celle qu'on retrouve au niveau d'un braquage d'une banque ; celle qu'on retrouve dans un meurtre familial... Et, quelques fois, on l'a constaté ces dernières années, cette violence adopte des proportions terrifiantes, inavouables (l'attentat du W.T.C, la guerre en Irak, etc...).

Toutes ces violences, nous les vivons, non seulement parce qu'on nous les a rapporté mais précisément parce que nous les avons aussi vécu. Nous vivons la violence sous de multiples formes, que ce soit des injures, un regard haineux, une menace, un rejet, une trahison. Il y a des violences physiques, des violences affectives, des violences mentales, mais tout cela concourt à ce climat de violence dans lequel nous évoluons aujourd'hui comme hier.

Prenons bien conscience que cette violence remonte à la nuit des temps. Depuis des temps immémoriaux, nous sommes confrontés à cette expérience de la violence, nous la subissons de la part des autres et nous sommes parfois nous-mêmes à l'origine de certaines violences que nous déclenchons et exprimons sur ceux qui nous entourent. En ce sens-là, la question qu'on pourrait se poser est la suivante : est-ce que la violence est liée à la nature humaine ?

La réponse est non ! L'homme violent est un homme étranger à lui-même ; c'est quelqu'un qui a vécu quelque chose qui l'a introduit dans une seconde nature qui n'est pas sa vraie nature. Tous les grands initiés, les sages, etc... sont d'accord sur ce point. C'est d'ailleurs, à la limite, rassurant de savoir que l'homme des origines n'était pas animé par cette pulsion de violence et que celle-ci résulte de tout un ensemble d'éléments qui ont peu à peu amené l'homme à se déformer, à perdre la raison. L'homme violent est, en effet, un être qui a perdu la raison parce qu'il s'est laissé entraîné par des choses qui l'ont progressivement rendu étranger à lui-même.

Comment peut-on trouver un moyen de vivre autrement toutes ces réalités susceptibles d'éveiller en soi la violence? Comment est-il possible de désamorcer les éléments qui stimulent la violence au plus profond de notre âme ?

Pour amorcer une transmutation de ces forces négatives, il faut évidemment commencer par les identifier.

La violence, c’est d’abord quand on veut s'approprier par la force. Chaque fois qu'on veut s'approprier quelque chose, et qu'en plus on emploie la force pour y parvenir, on se place dans une dynamique de violence. Un acte ou une parole est violente lorsque l'homme agit seul, lorsqu'il refuse le dialogue, lorsqu'il néglige l'autre, ou alors lorsqu'il l'utilise afin d'arriver à ses fins.

Ainsi, chaque fois que l'homme pose un geste qui consiste à s'approprier quelque chose par la force, il nourrit en lui cette pulsion violente qui devient presque instinctive.

Donc, premier élément à retenir : la racine fondamentale de la violence, c'est d'abord une pulsion d'appropriation et une pulsion qui range l'homme du côté de la force, de la puissance.

La violence prend également sa source dans une attitude où l'être se trouve incapable de s'exprimer, où il est enfermé, muselé. Il est important de prendre le temps de découvrir cela parce que, ici, ça signifie que si la violence s'exprime à travers quelqu'un, c'est fort probablement parce, quelque part, il a été muselé ou enfermé ,il est dans une situation où son chemin semble barré, il a l'impression de ne plus pouvoir avancer, de ne plus pouvoir s'exprimer. Alors, la violence éclate pour mettre fin à cet état d'enfermement et de frustration.

Je dois préciser que j'ai toujours préféré me positionner selon un point de vue qui encourage à toujours observer la contrepartie positive d'un élément négatif. Que ce soit la culpabilité, la peur, la colère, la violence, je ne cherche jamais à présenter ces caractéristiques comme quelque chose de fondamentalement négatif, car je suis de celles qui aiment bousculer et renverser un peu les choses, parce que c'est trop facile de se laisser aller à des à-priori.

Prenons par exemple la colère. Si on se base sur le Maître Jésus lorsqu’il a piqué une colère contre les marchands du temple, on sait bien que ce n’était pas par agressivité mais bien par une saine colère, ceci parce que la colère est quelque chose de bien, dans un certain contexte et une certaine mouvance, bien évidemment. Bien des gens ont été endoctrinés à penser que si l'on veut présenter une bonne image de soi, on ne doit pas exprimer sa colère et quand ils assistent, par exemple, à une dispute d'un couple assis à la table voisine dans un restaurant , ils doivent forcément se sentir mal à l'aise... alors qu'ils devraient plutôt se dire : "Tiens, ce couple est en colère, il va enfin se passer quelque chose pour eux !"

Eh oui, dans certains conditions, la colère est un moment par lequel on peut briser certaines choses qui nous bloquaient auparavant, c'est un état d'être qui nous permet aussi de remettre en question l'ordre des choses parce qu'on était dans une situation d'aliénation et qu' il est temps de faire sortir quelque chose de neuf, La colère est, en clair, l'outil par lequel on peut sortir de nos cristallisations.

Et bien, la violence, c'est également la même chose. Si la violence est, comme nous venons de le voir plus haut, liée à cet état d'enfermement, de frustration, de fermeture, à cette idée que l'homme est muselé, on découvre aussi une antidote intéressante dans la mesure où cette même violence peut permettre à l'individu de s'exprimer, de trouver une ouverture, d'aller au-delà de sa frustration.

Si nous sentons parfois qu'en nous des pulsions de violence commencent à se manifester, c'est peut-être justement parce que nous ne ressentons plus cette ouverture, parce que notre chemin nous semble fermé, nous avons l'impression de ne plus pouvoir nous exprimer et la libération de cet état d'enfermement sera donc fondamentale si nous voulons transformer ou exorciser nos violences. Pour transcender la violence, il faudra aller vers cette démarche qui consiste à transcender certains enfermements et à retrouver une possibilité d'expression pour aller au-delà de ses frustrations et, surtout, de cette image du "chemin barré" qui est devant soi.

Résumons-nous donc un peu : pourquoi connaissons-nous un état de violence ? En premier lieu, à l'issue de ce que nous avons vu plus haut, c'est parce nous voulons nous approprier certaines choses par la force ; auquel cas, les deux premières grandes clés sont que nous devons cultiver une attitude d'accueil et apprendre à nous désarmer : "Je veux m'approprier quelque chose par la force et cela me rend fondamentalement violent. Pour exorciser cette violence, je vais apprendre à accueillir la chose plutôt que de vouloir la prendre, et je vais devoir aussi apprendre à me désarmer plutôt que de vouloir agir sous la mouvance de la force."

En second lieu, notre violence peut provenir du fait que nous nous sentons muselés par une situation, par une rencontre. Auquel cas, nous devons apprendre à élargir notre espace vital, nous devons trouver un moyen de nous exprimer, sans évidemment le faire dans une mouvance de force, sans vouloir conquérir plus d'espace. Pensez à combien de violences éclatent parce qu'on veut conquérir l'espace du voisin pour élargir le nôtre, parce que finalement, au fond de soi-même, on sent qu'on est muselé, enfermé, et on décide alors de défoncer des frontières, et parce qu'on se met dans une mouvance d'appropriation et de force, c'est alors la violence qui éclate.

Mais quand on prend conscience qu'on est trop à l'étroit, qu'on n'arrive pas à s'exprimer, que devant soi le chemin semble barré et qu'il faut élargir cet horizon et aussi accéder à une réalité plus vaste, et qu'en même temps, on a compris que l'appropriation par la force n'est pas la meilleure choix, alors il faut bien trouver une solution, et on en verra une un peu plus loin qui a l'avantage de permettre d'exorciser ces causes profondes de la violence au plus profond de soi.

Mais il y a encore autre chose qui est source de la violence. C’est le sentiment de la corvée. En effet, la violence résulte du fait de ne plus être en relation avec l'autre, d'être enfermé, clôturé, et, de ce fait, la vie devient alors une corvée.

Ce n'est pas étonnant que la violence ait rempli la Terre quand on voit aujourd'hui - paradoxalement d'ailleurs puisqu'on est soi-disant dans une civilisation de la communication - combien les gens sont isolés, entourés d'une barrière qu'ils ont eux-mêmes érigée, ceci souvent pour se protéger, pour déterminer leurs espace vital, leur territoire. Oh oui, on peut voir combien cette réalité de la rupture, de la coupure, de l'absence de communication et d'échange avec l'autre, est cruciale aujourd'hui. Et, de ce fait, la vie devient une corvée. il n'y a plus de joie. La joie est une chose qui se vit en communauté, c'est quelque chose qui ne peut se vivre que dans la relation à l'autre. La joie solitaire est toujours factice.

En effet, quand il n'y a plus de joie, plus de bonheur, notre travail devient une corvée. Et du moment où ce "travail" est considéré comme une corvée, il y a alors la frustration et la violence qui s'installe au plus profond de soi-même, parce que, encore une fois, cette corvée est liée à un enfermement, ceci au point où l'individu a l'impression de ne plus pouvoir s'en sortir.

Combien se reconnaissent en ce moment à travers cette image de frustration ? Combien d'entre nous exprimons souvent ce "Je ne m'en sors pas !" ? C'est pourtant bien le signe de notre enfermement, d'un blocage qui nous barre la route, et c'est quand on en arrive à cette conclusion du "Je ne m'en sors pas" que toutes les violences sont possibles... ou alors, nous allons chercher à compenser autrement, et parfois ça devient alors un apaisement.

La dépression, l'épuisement professionnel, le surmenage, toutes ces choses sont des facteurs aggravants de la violence, ce sont des dimensions qui participent toutes d'une même réalité, d'une même confrontation au stress, d'une confrontation à une vie perçue comme une corvée, et qui, finalement, accompagnent bien souvent la violence. Tout le monde y passe, même les enfants souffrent de dépression, tous les métiers sont concernés, même les psy font des "Burn-out", même les fonctionnaires sont victimes de surmenage, c'est vous dire !

Une prophétie dit : "Ils ne tombaient pas tous mais tous étaient touchés". Donc, on peut vraiment dire que cet affaissement (dépression, épuisement, surmenage) et, en parallèle, cette violence sont les deux facettes d'une même expérience : l'une dans l'affaissement, l'autre dans la révolte. Et oui, “nous ne tombons pas tous mais nous sommes tous touchés” ; quelque part en nous, nous avons ces éléments qui favorisent le déclenchement de cet affaissement ou de cet excès de violence.

Vous pourrez facilement observer que toutes ces personnes anxieuses, démunies, exténuées, parfois jusqu'à des élans suicidaires, toutes ces personnes qui animent notre société moderne, réagissent à des conditions, à des situations qui sont les mêmes par rapport à ce qui va déclencher des expériences de violence. D'ailleurs, la vie, lorsqu'elle devient corvée, devient elle-même violente. Ces personnes en question ici parlent souvent de leur rythme de travail comme une violence. Elles sont confrontées constamment à ce rythme de travail qui est la première violence, parce que leur rythme de travail est dans l'ordre d'une meilleure productivité, d'une plus grande appropriation, d'une plus grande efficacité, et finalement, c'est encore toute cette dynamique d'acquérir par la force qui est déguisée sous ce rythme de travail et qui confronte l'individu à quelque chose qu'il va percevoir, plus ou moins inconsciemment, comme une violence.

Pourquoi ? Parce qu'ici, on travaille pour acquérir. Bien des gens sont jaloux des résultats des autres, alors ils mettent en place tout l'espace propice au déploiement de la violence sous ses formes les plus aigües telles qu'on les découvre aujourd'hui. Le fait qu’ils veulent vivre pour eux-mêmes, le fait qu’ils soient dans cette attitude d'une plus grande productivité, d'une plus grande acquisition, est donc une ouverture vers quelque chose qui est de l'ordre de la violence parce qu'il y a en eux, au plus profond de leur être, une dimension qui aspire à se libérer de leur enfermement, de leur petitesse, mais le problème; c'est qu’ils emploient des moyens qui ne sont pas adaptés au bon résultat.

Il est vrai que l'homme a besoin d'espace, de s'épanouir, de grandir, de se développer, et quand on regarde notre façon de travailler, de nous engager dans la vie, de mettre en place les différents mécanismes susceptibles de nous apporter des moyens de mieux vivre ; enfin, quand on s'interroge (pourquoi je fais ça ?), on découvre finalement que c'est parce qu'on a cette soif de grandir et on pense alors qu'on a besoin davantage d'espace, de richesses, de ressources, pour pouvoir davantage s'exprimer.

Finalement, cette problématique de se sentir muselé, enfermé, vient de cette idée que l'homme a besoin de grandir, de s'épanouir, de se réaliser. C'est une des choses les plus belles de la nature humaine, l'homme est appelé fondamentalement à grandir, il ressent quotidiennement le besoin de pouvoir se dépasser, se transcender, et, encore une fois, le problème n'est pas cet élan (qui est bien réel) mais les moyens qu'il emploie, et lorsque le moyen est celui de l'appropriation par la force, cet élan pour grandir se transforme en diverses modalités de violence. Il faut donc trouver un autre moyen pour grandir.

Certains disent qu'avec les événements du 11 septembre (l'attentat du WTC), nous avons atteint le summum de la violence.... Et bien, à ceux-là, je suis heureuse de répondre que la quête de non-violence a également atteint un niveau jamais égalé par le passé. Malheureusement, on a tendance à tout voir en noir car notre cerveau s'est pré-programmé à être sensible à tout ce qui est négatif. Les journalistes l'ont bien compris : s'ils veulent vendre leurs journaux, ils doivent mettre toute une série de mauvaises nouvelles à la une. Lorsque l'attentat du 11 septembre a eu lieu, vous vous souvenez qu’on nous a montré au moins 500 fois les tours s'écrouler et la plupart des gens n'arrivaient plus à quitter les yeux de leur télé.

Pourquoi cela ? Pour une raison toute simple : c'est l'évolution de l'homme qui a fait ça, parce que si l'on remonte dans l'histoire, il est vrai qu'à un certain moment, si l'homme n'était pas sensible au danger, il périssait tout simplement. Ceux qui ont survécu aux dangers des temps préhistoriques étaient ceux qui avaient le cerveau alerté par le négatif. Ce qui fait qu'aujourd'hui, à la moindre nouvelle négative, les gens sont de suite à l'écoute, alors qu'une bonne nouvelle, bien souvent, leur cerveau n'a n'en rien à faire, ceci parce qu'ils l'ont programmé pendant des millénaires à réagir uniquement et vivement au danger et à déclencher des mécanismes d'attaque ou de fuite, de telle sorte que lorsqu’ils sont confrontés à une mauvaise nouvelle, ils sont prêts, en état d'alerte.

Il va donc falloir éduquer leur cerveau en leur expliquant que leur vie n'est plus autant menacée et qu'il n'y a pas que survivre qui compte, il y a aussi vivre. Or, nous sommes actuellement dans une époque de l'histoire où, peut-être, l'humanité est plus sensible que jamais à des solutions non-violentes. La violence, il y en a toujours eu et on l'oublie bien souvent car l’on a souvent tendance à penser que le passé était merveilleux et à avoir une nostalgie de celui-ci, alors que la violence a été omniprésente pendant des siècles et des siècles. Quand on pense que lorsque la France avait inventé la guillotine, les gens descendaient dans la rue pour réclamer des pendaisons ; “Rendez-nous nos potences” criaient-ils... ceci parce qu'ils préféraient voir les condamnés mourir à petit feu, alors que la guillotine, c'était trop rapide ! C'est terrible à imaginer cela aujourd'hui mais les gens avaient pourtant cette envie, jadis, d'être au premier rang pour assister à des morts atroces.

Mais aujourd'hui, plus que jamais, les gens se lèvent pour réclamer des solutions non-violentes aux conflits. On l'a bien vu avec les guerres au Moyen-Orient, chaque jour, des millions de gens dans le monde manifestent pour la paix, pour la non-violence. On réclame de plus en plus de solutions pacifiques, on est dans une perspective où l'on a enfin conscience de ces possibilités non-violentes. Et ce ne sont pas que des philosophes marginaux et des religieux idéalistes qui le réclament, ce sont de plus en plus des personnes de tout niveau qui ont cette préoccupation de voir les choses autrement.

Il ne faut donc pas voir que la violence dans le monde, il faut voir aussi toutes ces personnes qui aspirent à la non-violence et qui, du fond de leur être, y croient. Certes, par moment, ils sont désespérés, ils baissent les bras, mais, quelque part, l'idée a fait son chemin, elle est enracinée en nous. Donc, s'il y a cette aspiration en nous, quelle pourrait être la clé pour transformer la violence ?

Il y a effectivement une clé pour transcender la violence. Je sais... elle peut paraître dérisoire en face de la violence sauvage, mais pourtant elle est majeure et d'une efficacité extraordinaire, et peut-être même est-elle la seule à pouvoir transcender la violence : c'est la TENDRESSE !

Dans un reportage télévisé; quelques jours après les événements du WTC, j'avais pu voir à l’époque une chose étonnante : quelques heures seulement après l'effondrement des deux tours du WTC, un jeune homme à New York avait répondu à la violence d'une manière extraordinaire et qui, me semble-t-il, avait tracé le chemin pour répondre à la question qu'on se pose aujourd'hui : comment transformer la violence en tendresse ? Comment mettre en échec cette violence sauvage, indicible et inacceptable ?

Si certains voient dans ces événements le signe que l'homme moderne a atteint le plus haut niveau de méchanceté aveugle - et c'est sans doute vrai puisqu'on a tué des innocents et pour rien - , ces événements ont aussi montré que l'homme a sans doute aujourd'hui, plus que jamais, conscience de la solution à apporter.

Par exemple, parmi les gens dans les tours qui ont été victimes de cette violence inouïe, on se souviendra que certaines personnes dans les tours ont pris leurs portables et appelé... non pas leur courtier en bourse ou leurs associés en affaire... mais leurs conjoints ou leurs parents pour leur dire une dernière fois "Je t'aime" ! Certains n'ont pu laisser leur message que sur un répondeur, du style : "Quelque chose de terrible vient d'arriver, je ne sais pas si je vais m'en sortir... mais je veux que tu saches une seule chose : je t'aime !"... Evidemment, quand on se trouve confronté à de telles situations, il y a un message de fond qui reste absolument extraordinaire.

Mais ce qui m'avait le plus frappée, c'est cette image bouleversante où l'on nous montrait d'abord la désolation et le périmètre de sécurité autour de ce qui n'était plus que des ruines fumantes. A quelques mètres de ce périmètre, la foule semblait complètement égarée. Et puis, j’ai vu soudain sur l’écran un jeune homme avec un écriteau en bandoulière sur lequel était écrit (en anglais) à peu près ceci si ma mémoire est bonne : "Je ne peux rien faire, je suis impuissant devant les événements qui se produisent, je ne peux même pas comprendre, je n'arrive pas à imaginer que cela ait pu arriver, je ne peux rien faire pour vous... sauf que si vous voulez un calin, je suis là !".

Malheureusement, on nous avait montré 500 fois les tours s'effondrer et une seule fois celle de ce jeune homme proposant son affection et sa compassion à cette foule bouleversée, assommée, effrayée. Et l'on voyait d'ailleurs des gens venir se blottir dans ses bras. C'était une image très émouvante et j'en pleurai toutes mes larmes : il les prenait dans ses bras, dans le silence le plus total... mais, au fond, qu'est-ce que vous voulez dire quand une violence pareille éclate ? Et il n'y a rien à faire non plus... si ce n'est de donner un peu de tendresse. C'est ce qu'avait fait ce jeune homme !

Et oui, la tendresse ne consiste pas à vouloir donner des réponses à l'autre, à justifier les événements difficiles que l'on peut traverser, elle n'est pas de l'ordre de la puissance, du faire ; elle consiste simplement à prendre dans ses bras et à dire "Ecoute, je peux te faire un calin, te serrer dans mes bras. Peut-être que cela va ouvrir ton chemin, que ça va te donner la possibilité de voir la vie autrement....mais en tout cas, moi, c'est tout ce que je peux faire."

Cette déclaration du jeune homme "Je ne peux rien faire... mais je peux vous offrir un calin", c'est réellement une clé extraordinaire et cela a été, à mon avis, l'un des plus grands moments de la télévision depuis sa création. Quand on voit ce qui était montré ici, c'est-à-dire cette reconnaissance d'une totale impuissance et, en même temps, cette offre de tendresse à autrui, c'est quelque chose qui, non seulement est touchant, mais qui est aussi une clé extraordinaire.

En effet, la clé à la violence, c'est la tendresse ! La violence porte atteinte à l'intégrité de l'autre, alors que la tendresse vise à l'épanouissement de l'autre. Violence et Tendresse sont comme l'envers et l'endroit d'une même dynamique. Et ce jeune homme, c'était le symbole de l'espoir du monde, de l'ouverture à une vision nouvelle des choses. Ici, la réponse à la violence n'est pas une réponse qui, à priori, paraît efficace, ou qui repose sur les mécanismes de la violence (qui sont des mécanismes de puissance), mais c'est une réponse qui repose sur la reconnaissance de l'intégrité de l'autre et la recherche de son bien-être.

En voyant ce jeune homme, j’avais envie de dire (et je le dis encore aujourd’hui) à tous les terroristes et au Gouvernement Mondial : vous avez échoué... car un homme a su transformer la violence en tendresse !

Mais, au-delà de cette image qui, déjà, vaut mille mots, qu'est ce que la Tendresse ?

C’est la bonté, le bienfait, le chérissement. C'est aussi l'abondance, l'expansion. Ceci est merveilleux parce que quand je disais plus haut que la violence est due au fait qu'on est muselé, enfermé, il est vrai que la tendresse, c'est tout le contraire, elle nous amène vers l'abondance, vers l'expansion. La tendresse, c'est un mot qui nous invite à vivre cette expérience, qui va nous donner un développement, qui va nous permettre de nous accomplir, d'ouvrir un chemin de croissance et de déploiement.

La solution proposée à la violence (qui, elle, est fondamentalement masculine) est une solution féminine, et bien plus encore, c'est une solution maternelle. C'est cette sollicitude pour le bien-être de l'autre : "Je me soucie de l'autre, de sa croissance et de son développement. La tendresse est ce par quoi je permets à l'autre de se réfugier, de s'abriter, d'être protégé”.

Pensez de nouveau à ce jeune homme new-yorkais offrant des calins aux gens qui, peut-être, n'avaient plus de maison, plus de lieu où s'abriter et qui ont pu trouver un instant cette chaleur, ce coeur qui battait dans le sens de leur apporter un bien-être, une tendresse maternelle.

Avoir de la tendresse, c'est être matriciel. C'est important de bien saisir ceci parce que, habituellement, quand on parle de la tendresse, on pense plutôt à la tendresse physique, à la caresse, à la tendresse amoureuse, mais quand on vous dit, par exemple, qu'il faudrait mettre un peu de tendresse dans votre travail, cela peut vous paraître peut-être équivoque.... Quand on dit qu'il faut mettre de la tendresse dans nos relations, quelles qu'elles soient, on se demande souvent comment il faut s'y prendre, jusqu'où l’on peut aller ?

Et bien, en fait, là, on arrive au moment où l'on peut dire ce que c'est. La tendresse, c'est être matriciel... c'est-à-dire, c'est avoir le sentiment d'une mère qui veut que l'autre puisse grandir. C'est donner les conditions favorables pour que l'autre puisse avancer sur sa route. Le geste extérieur comme celui où l'on prend quelqu'un dans ses bras, ce n'est que le symbole de quelque chose de beaucoup plus profond. Cela veut dire : "Je m'intéresse à ce que tu es. Non seulement je n'attaque pas l'intégrité de ce que tu es , mais je la valorise. Ce que tu es m'intéresse, je pense que tu as de la valeur et qu'il y a moyen que tu puisses développer ce que tu portes en toi."

Avoir de la tendresse, c'est être matriciel dans le sens où non seulement on valorise ce qu'est l'autre, mais où l'on a aussi un regard d'ambition sur lui.

Bien sûr, tout cela a l'air disproportionné ; quand vous regardez d'un côté les images des deux tours du WTC s'écrouler et, de l'autre, ce jeune homme qui prend quelqu'un dans ses bras, ceci paraît démesuré parce que c'est sur un plan quantitatif qu'on l'analyse. On est tellement habitué d'être sous cette modalité de conscience qu'on a du mal à faire autrement. Mais au niveau qualitatif, quel mystère, quelle expérience extraordinaire qui permet justement d'aller bien au-delà de ce que pourrait représenter la violence !

Dans la tendresse, on n'acquiert pas quelque chose, on participe, parce que l'ouverture est telle qu'on fait l'expérience de ce qu'est l'autre. Etre tendre, c'est donc valoriser l'autre, reconnaître son intégralité, et même contribuer à son développement. La tendresse, ce n'est pas seulement dans l'intimité de deux amants, ce n'est pas seulement du domaine du privé, ça peut être aussi dans un projet de société, voyez-vous ? On peut choisir d'avoir une société où la tendresse est un élément-clé, parce que, là, chacun va être valorisé, chacun va recevoir un regard d'affection, d'ambition.

Evidemment, la tendresse débute, à la base, par une épuration de nos attitudes. Par exemple : rire de quelqu'un est opposé à la tendresse. En effet, parfois, quand on rit de quelqu'un, on attaque son intégrité, on n'est pas dans une attitude à valoriser et à favoriser le développement de son intégrité. Dans un projet de tendresse, on ne se désintéresse pas des autres, parce que si l'on fait cela, même sans attaquer leur intégrité, on n'a pas ce souci maternel, pas cet élan qui consisterait à favoriser le développement de l'autre.

Aujourd'hui, on interdit plus ou moins la violence, mais interdire n'est pas montrer comment faire autrement. Le problème est bien là : si on interdit la violence mais qu'on n'enseigne pas comment arriver à une attitude non-violente, et plus encore, à une attitude de tendresse, alors on est confronté à une problématique puisque, d'une part, on interdit une attitude et d'autre part, on ne donne pas les outils pour déployer ce qui serait la face inverse de cette attitude.

Posons-nous bien la question : pourquoi suis-je incapable de tendresse ? Pourquoi ai-je en moi des élans de violence ?

Parce que je n'ai pas encore découvert comment vivre ce processus d'élargissement, de croissance, d'expression, d'épanouissement...

Mais avant de vouloir avoir de la tendresse pour les autres, faudrait peut-être se demander comment il serait possible d'avoir de la tendresse envers soi-même ?

En effet, nous venons d'observer que le remède à la violence est la tendresse, et nous avons vu ce qu’elle est fondamentalement. Mais pour avoir de la tendresse pour les autres, il faut commencer par en avoir envers soi-même.

Il est étonnant de constater combien les personnes violentes souffrent de manière incroyable d'un sentiment déficient de leur propre valeur. Comment voulez-vous valoriser ce qu'est l'autre, comment pouvez-vous lui offrir un soutien pour qu'il s'exprime, pour qu'il se développe, alors que vous ne le faites pas pour vous même ?

On dit souvent des gens violents qu'ils sont "petits". Ce n’est pas un hasard car ils recherchent une valorisation qu'ils n'obtiennent pas parce qu'ils sont justement dans une attitude de fermeture. Prenons une situation très concrète à un niveau psychologique : la personne qui, lorsqu’elle était enfant, n'a jamais eu l'attention, la valorisation de ses parents, de ses proches, va souvent souffrir plus tard d'un sentiment déficient de sa propre valeur. N'ayant pas été valorisée, elle aura l'impression qu'elle ne vaut rien. Mais, parce qu'elle à l'impression de ne rien valoir, quand quelqu'un va la valoriser, souvent elle ne va pas y croire.

En fait, il y a deux façon de réagir. Par exemple, votre patron vous dit : "Oh, vous portez une robe qui vous va à merveille" ou "Wow, votre cravatte est superbe !" et vous répondez alors : "Oh, c'est rien, je l'ai achetée en solde dans une grande surface!".... Et bien, là, vous dévalorisez tout simplement le regard valorisateur de l'autre.

L'autre réaction, c'est de vouloir en recevoir davantage. Votre patron vous dit : "J'ai beaucoup apprécié votre intervention avec le client qui vient de partir." Vous lui répondez alors : "Ah... J'espère que maintenant vous allez m'augmenter !"

Donc, soit on est dans l'attitude où l'on cherche la valorisation mais quand elle arrive, on n'y croit pas ; soit on est dans l'attitude de vouloir s'approprier (qui est un des visages de la violence), on en veut plus que ce que l’on a reçu.

Ce que je cherche donc à expliquer ici, c'est que les individus violents sont généralement des personnes qui ont un sentiment de valorisation de soi complètement déficient et qui, malheureusement, cherchent cette valorisation en se comparant avec les autres. C'est le piège où l'on tombe bien souvent : se comparer avec les autres. C'est une problématique parce que, souvent, on est persuadé que notre valeur dépend de notre comparaison avec les autres, qu'elle est liée à une évaluation quantitative.

A ce propos, savez-vous qu'on dit que la matière première d'un être humain vaudrait autour de 6 à 7 euros ou dollars... mais qu'il faudrait beaucoup plus pour l'extraire. Donc, finalement, la valeur en matière première d'un être humain est en bas de zéro. Alors, si c'est une évaluation quantitative que vous attendez, sachez-le de suite, vous ne valez pas grand chose dans ce monde !

Cependant, ce n'est pas le niveau quantitatif qu'il faut rechercher, mais le niveau qualitatif. Dans l'exposé de Régis, “Analyse symbolique de la maladie”, il parle du foie et de sa symbolique, expliquant justement que la santé du foie repose sur la valorisation de soi, sur une saine estimation de soi. Or, savez-vous qu’en Hébreu, le mot foie signifie "donner du poids", c'est-à-dire, accorder du poids à quelque chose, ne pas prendre les choses à la légère. Evidemment, lorsqu'on n'est pas valorisé, on a l'impression d'être “pris à la légère”, alors que lorsqu'on se sent valorisé, considéré, on a plutôt l'impression d' ”avoir du poids” ! Le mot Foie signifie donc "avoir du poids", “estimer”, “respecter”. Et toutes les problématiques du foie, au plus profond de l'être, relèvent bel et bien d'une difficulté à avoir une juste estime de soi, à avoir une image valorisante de soi qui repose, non pas sur une évaluation quantitative mais qualitative, et aussi sur l'idée que l'on est unique.

A ce propos, il y a un très belle déclaration de Albert Jacquart qui mérite d'être citée ici car je la ressens profondément en moi : "Moi, je ne suis pas comme les autres. Bien sûr, car notre patrimoine génétique, fruit d'une double loterie, est unique. Unique aussi l'aventure que j'ai vécu. Ce que j'ai de commun avec les autres est le pouvoir - à partir de ce que j'ai reçu - à participer à ma propre création. Merci mes parents dont l'ovule et le spermatozoïde contenaient toutes les recettes de fabrication des substances qui me constituent. Merci ma famille pour la nourriture, la chaleur, l'affection qui m'ont permis de grandir, de me structurer. Merci mes maîtres qui m'ont transmis les connaissances lentement accumulées par l'humanité depuis qu'elle interroge l'univers. Merci vous qui m'avez aimé de votre irremplaçable amour. Mais c'est à moi d'achever l'ouvrage, à moi de poser la poutre faîtière. Oubliez celui que vous avez voulu que je sois, je n'ai pas à réaliser le rêve que vous avez fait pour moi, ce serait trahir ma nature d'homme. Pour que je sois vraiment un homme, vous me devez un dernier cadeau : la liberté de devenir celui que j'ai choisi d'être."

Voila les mots d'un "grand homme", c'est-à-dire de quelqu'un qui prend conscience de son unicité originelle parce qu'il est le fruit d'un bagage génétique qui est unique ; il est aussi le fruit d'un ensemble d'expériences uniques et d'une façon de les avoir vécues qui est unique.

Donc, il y a quelque chose qui donne une qualité fondamentale à tout être, parce que, par son unicité, il est rare et ce qui est rare est cher, a de la valeur. Alors, vous qui lisez ces lignes, dites-vous bien que je vous aime parce qu'à mes yeux, chacun et chacune d'entre vous est un phénomène rare, un "oiseau rare", un être d'exception, puisque votre bagage originel, vos propres expériences et la façon dont vous les avez vécues avec une sensibilité qui est la vôtre, tout cela fait que vous êtes unique ! Donc, vous avez une contribution à apporter au monde qui est unique.

Alors, que ceci soit réglé : chacun d'entre nous a une valeur inestimable. Là, c'était la première étape.

La seconde étape, c'est que l'on a aussi à se construire, à se réaliser, en fonction de ce qu'on est porteur et non pas en fonction de ce que les autres ont projeté sur soi. Un "grand homme" ou une “grande femme”, c'est quelqu'un qui est conscient de son unicité mais qui est également conscient que sa vocation est de se construire et de se développer.
Certains rétorqueront ici : "Moi, personne ne me valorise". Mais donnez d'abord l'exemple ! C'est toujours ainsi qu'il faut commencer : il faut donner le bon exemple aux autres. Si vous vous valorisez vous-même, alors il y en a d'autres ensuite qui vous valoriseront aussi.

Pourquoi vous parler de cela dans ce volet sur la tendresse ? Et bien, c'est parce qu’être animé de tendresse, c'est valoriser l'autre, mais avant, il faut s'être valorisé soi-même. Avant de pouvoir faire grandir l'autre, avant d'avoir un attitude matricielle envers l'autre et l'aider à croître et à se développer, il faut d'abord soi-même avoir vécu cela.

Dans la tendresse, il y a, en effet, ce qu'on pourrait appeler une croissance mutuelle. On se soutient l'un l'autre, on s'apporte les éléments nécessaires pour qu'il y ait un épanouissement, un développement de soi. On a un regard différent porté sur les choses, où il n'est pas nécessaire de conquérir, de se battre.

Ce jeune à New York, qui, après l'effondrement des tours du WTC, avait dit spontanément aux gens "Je suis impuissant, je ne peux rien faire, mais je peux vous offrir un calin", c'est quelqu'un qui est grand ! C'est quelqu'un qui a d'abord été tendre avec lui-même, qui s'est donné les conditions de grandir, qui s'est valorisé, qui a reconnu son unicité. Cela est sûr parce que pour pouvoir faire ce qu'il a fait de manière spontanée, il faut d'abord avoir vécu une expérience intérieure. Il faut que ça parte de quelque chose de profond. Ce n'est pas quelque chose qui s'invente, qui s'improvise. C'est forcément à l'issue d'un grand travail intérieur.

C'est pour cela que le problème de la tendresse, aujourd'hui, ce n'est pas seulement le problème de savoir ouvrir les bras à l'autre, ce n'est pas seulement le problème d'avoir un regard maternel, d'avoir un souci de l'autre, c'est d'abord d'avoir fait tout ce travail sur soi, c'est-à-dire d'avoir cette juste image de soi, de se "donner du poids", de ne pas se prendre à la légère.

C'est pour cela qu'il était souhaitable de parler de cette facette-là... parce que, pour travailler sur la violence, finalement, ça nous ramène au rapport à soi-même, à l'image que l'on a de soi et à la façon de travailler cette image pour qu'elle produise un travail de dépassement, de croissance, de développement.

Et là, on peut alors reconnaître l'autre ! L'expression de Jacques Salomé est d'ailleurs très intéressante à ce propos : RE-CO-NAISSANCE. Renaître avec l'autre, c'est cela la reconnaissance. Reconnaître l'autre, c'est renaître avec lui, et cela est également présent dans l'expérience de la tendresse.

Comme nous l'avons vu plus avant, la tendresse porte aussi l'idée d'une abondance, d'une générosité, d'un abandon, d'une foi, d'un lâcher-prise. La tendresse est une qualité de l'attention qui se propose sans jamais contraindre. La tendresse, c'est ce qui permet à l'autre, non seulement de “se dire” mais de “s'entendre”. Cette ouverture qu'on a du coeur, des bras, ce regard d'appréciation et d'ambition qu'on a pour l'autre, et bien, ça nous permet non seulement de “se dire” mais “de s'entendre”, de prendre conscience de ce qu'on est.

Il faut se dire : "Si j'ai été capable d'avoir de la tendresse pour moi, c'est peut-être parce que quelqu'un en a eu pour moi. Et à mon tour, ayant de la tendresse pour quelqu'un, je peux déclencher en lui quelque chose de grand."

La tendresse, ce n'est pas d'expliquer quelque chose à l'autre. Nous avons vu cela avec le jeune new-yorkais qui n'avait rien à expliquer aux autres mais qui avait juste de la tendresse à leur offrir. Effectivement, bien souvent, quand les gens écoutent l'autre, ils ont d'abord tendance à vouloir expliquer à l'autre ce qu'il vit et ensuite ils veulent lui donner des conseils sur la manière dont il devrait vivre ou orienter les choses... mais personne n'est capable de faire cela. La seule chose qu'on est capable de faire, c'est d'avoir de la tendresse pour lui, c'est-à-dire d'être à l'écoute, mais une écoute silencieuse.

Dans la tendresse, on ne donne pas de conseil. C'est une qualité d'écoute par l'écoute. Par l'attitude intérieure, on montre qu'on a un regard d'ambition, on montre qu'on croit en cette personne, en sa valeur, en ses possibilités et qu'on est prêt à être là pour la soutenir, mais pas en tentant de résoudre les problèmes à sa place... parce que cela aussi est un autre piège de l'écoute. On a tendance à se dire : "Si la personne me dit cela, il faut absolument que je trouve une solution à son problème." Mais non !

D'ailleurs, fondamentalement, ce n'est pas ce que l'autre attend. Lorsque un individu nous parle, il espère “s'entendre”, bien plus que “se dire”, bien plus que d'avoir une réponse de notre part. C'est pourquoi il faut bien comprendre que la tendresse a besoin de silence. Dans un rapport tendre à l'autre, on est dans le silence de l'écoute parce que, à ce niveau, l'autre, non seulement “il se dit” mais “il s'entend” progressivement, il prend conscience de lui-même, il découvre ses hésitations, ses manques mais aussi la force dont il est porteur.

Méditons donc bien sur ceci : la tendresse est une rencontre qui devient partage et agrandissement mutuel.

Pour terminer cet exposé, voyons quelques aphorismes sur la tendresse en opposition à la violence.

Notons surtout le fait que la tendresse est essentiellement rencontre qui devient partage et agrandissement de chacun. Avant de nous attaquer au terrorisme international - car il y a des instances qui peuvent le faire bien mieux que nous... même si pour l'instant, hélas , c'est encore sous des formes exacerbées comme on les craint et comme on les voit actuellement - , il y a d'autres terrorismes où l'on peut et doit agir et de façon immédiate.

Par exemple, ce terrorisme social qui nous fait dire : "Si tu ne te comportes pas comme les autres, tu n'as pas ta place parmi nous."... Voilà une violence énorme que l'on peut vaincre toutefois par la tendresse.

Le terrorisme sexuel qui nous fait dire : "Tu dois avoir un désir quand j'en ai un sinon ce n'est pas normal" ; voilà encore une violence qui peut être également alchimisée par la tendresse.

Le terrorisme affectif qui nous fait dire "Si tu n'es pas du même avis que moi, c'est que tu ne m'aimes pas". Cela aussi peut-être transmuté par la tendresse.

Il y a une éducation à la tendresse, voyez-vous. Dans cet exposé, j'ai déjà parlé du travail à faire sur soi, d'abord sur l'estime de soi, sans laquelle la tendresse envers les autres est impossible. Mais il y a aussi une éducation à faire dans le recevoir ; comme j'ai pu le constater, on ne doit pas minimiser ce que l'on reçoit ni transformer le recevoir en acte de prendre.

S'éduquer à la tendresse, c'est s'éduquer à recevoir, à accueillir, à être dans cette perspective à laquelle je tiens beaucoup personnellement parce que, finalement, vous savez, on n'a qu'un seul objectif, c'est d'être heureux et il y a une clé pour être heureux, c'est la joie et le rire. C'est ce qu'il faut quand on a perdu la joie

Aimez, car dans l'amour, il y a l'accueil de l'autre, il y a le don de soi et il y a le partage dans le respect de la différence.

Ce qui est merveilleux dans la tendresse (manifestation de l'amour), c'est que l'on retrouve cette même trinité, qui peut être définie ici de la manière suivante :

- l'écoute et l'accueil de l'autre : sans réserve, sans commentaire, sans bla-bla, on accepte d'écouter sans rien dire, sans vouloir expliquer les choses ;

- le don de soi : je me mets à ta disposition, je suis prêt à t'aider. Les ressources dont je dispose, je les mets à ton service parce que je crois en toi, je crois en ton projet, je crois en la possibilité que tu puisses grandir.

- l'échange mutuel : dans la tendresse, il y a un partage dans le respect de la différence de l'autre.

Dans les moments d'impuissance comme dans ces grands moments où la violence arrive à un tel summum qu'on ne peut plus rien dire, plus agir, il ne reste plus que la tendresse. Par exemple, en ce qui concerne l'accompagnement des mourants. Quelques auteurs en ont déjà beaucoup parlé et celles et ceux parmi vous qui lisez ces lignes et qui avez pu participer à ce type d'expérience, savez bien que, lorsqu'on y réfléchit intellectuellement, c'est une chose, mais lorsqu'on est présent à l'évènement, c'est tout autre chose. Il y a quelque part une impuissance catégorique qui fait qu'on ne peut rien faire, on se sent complètement désarmé. Et bien, à ce moment-là, qu'est-ce qui reste ? Quel est le mot clé dans l'accompagnement des mourants ?

Vous l'avez deviné, c'est le mot TENDRESSE ! Etre là, disponible, s'ouvrir, être comme une matrice, en disant à celui qui part : "écoute, ton chemin semble barré mais il y a un autre chemin. Tu sembles être aux extrémités de la vie, mais il y a une autre vie. Il y a un changement de paradigme qui doit s'opérer, et moi je suis là et je ne peut rien faire, sauf te prendre dans mes bras et te faire un calin."

Vous savez, quand vous êtes devant une personne qui est à l'agonie, par exemple une jeune femme, mère de trois enfants, atteinte d'un cancer en phase terminale, vous ne pouvez plus vraiment lui expliquer pourquoi elle a un cancer, pourquoi elle va quitter son mari et ses enfants qu'elle aime, cette vie qu'elle assumait d'une façon admirable, ces gens qu'elle va laisser dans le deuil et le chagrin. Vous n'allez pas aller lui expliquer que c'est peut-être un karma hérité d'une vie antérieure qu'elle paye maintenant et que c'est également le karma de ses enfants et de son mari. Vous n'allez pas non plus lui expliquer que c'est une expérience spirituelle pour elle comme pour ceux qu'elle laisse, que c'est une occasion pour ses enfants d'être confrontés à une autonomie en bas âge, etc..., bref, nous n'allez rien dire de tout ca,....n'est-ce pas ?

Evidemment, dans une telle situation, on est impuissant à dire quoi que ce soit, et il n'y a rien à dire ! Et qu'est-ce que vous voulez faire ? Alors, il reste quoi ? Il reste l'amour et sous une forme très particulière, celle dont on a parlé jusqu'ici : la tendresse. La tendresse est seule à pouvoir désamorcer une violence... car, en effet, c'est un réflexe que de vouloir se révolter au risque de devenir violent lorsqu'on est confronté à une situation pareille. On ne peut ni expliquer ni agir pour changer les choses, ni faire quoi que ce soit. On est simplement confronté à pouvoir être disponible, présent, à pouvoir dire à la personne qu'on croit en elle, qu'il y a toujours, à un niveau différent, quelque chose, et qu'il y a possibilité, par cette tendresse, d'exalter cette réalité autre qui est en soi.

*******

Pour conclure tout ceci, rappelons-nous donc que la tendresse est une dimension féminine beaucoup plus que masculine. C'est tout cet élément féminin, matriciel, qui offre un espace de croissance, de développement, et qu'il faut maintenant développer en soi. On est dans une société qui a valorisé la masculinité, qui a rejeté dans bien des cas la féminité, nous sommes à une croisée des chemins et l'on a un choix à faire...

Si l'on veut transformer la violence en tendresse, il va falloir exalter cette dimension matricielle, cette dimension d'ouverture et, donc, toute cette dynamique qui consiste à avoir un regard d'ambition sur l'autre parce qu'on a eu d'abord un regard d'ambition sur soi-même.

Transcender la violence en tendresse consiste également à abandonner cette conviction de toute puissance, du genre : "Moi, je suis tout puissant, je suis immortel, je peux aider, je peux changer le monde "... Ma foi, nous verrons bien ! Mais vu l'ampleur des événements et des changements que toute notre planète traverse, est-ce que vous pouvez franchement dire "Moi je suis tout puissant, je peux changer les autres" ? Est-ce que vous pouvez vraiment dire "Moi je suis immortel, je suis en sécurité, il ne m'arrivera rien" ? Aucun d'entre nous ne le peut... du moins pour l'instant.

Malgré toute la sympathie pour les victimes des drames de notre monde et malgré le fait que ces événements que nous traversons sont inadmissibles et le resteront ontologiquement, je vous invite à essayer de jeter un regard positif sur tout cela... comme, par exemple, dans la parabole du Maître Jésus qui se promène avec son disciple, lorsque soudain, ils croisent le cadavre d'un chien. Le disciple se plaint alors de ce qu'il voit et de la puanteur, et il s'écarte alors au plus vite, alors que le Maître s'est accroupi pour observer de plus près le cadavre du chien. Intrigué, le disciple a demandé au Maître pourquoi il faisait cela et ce dernier a répondu : "Regarde... est-ce qu'il y a une perle plus blanche que l'émail des dents de ce chien ?".

Et bien, quand on regarde maintenant les événements dramatiques qui terrorisent notre planète, est-ce qu'il y a possibilité de poser un regard positif , sans d'aucune manière légitimiser ces actes inadmissibles ? Quand la violence prend une telle proportion, n'est-ce pas en même temps la révélation d'une clé qui assure elle-même sa destruction ?

Et bien, apparemment, cette clé serait peut-être, justement, d'abandonner cette conviction de toute puissance. On dit que c'est très mauvais, que les américains se sentent complètement insécurisés, qu'ils n'ont plus cette impression qu'ils peuvent changer le monde et contrôler les choses... Mais n'est-ce pas quelque chose qui a un sens que de pouvoir reconnaître cette espèce d'impuissance inhérente à la nature humaine ? Et si nous cessions d'être dans cet ordre-là, celui de l'acquisition et du pouvoir, pour se transposer dans un ordre différent, où les valeurs ne sont plus du tout les mêmes et ouvrent à quelque chose de totalement différent.

S'il est vrai que du côté du pouvoir, de l'acquisition, de la toute puissance, de la sécurité, le chemin semble sombre, si ce n'est complètement fermé, n'y a t-il pas pour autant un autre chemin qui conduirait à une lumière encore plus brillante que la première, à un bien-être encore plus grand que le premier et qui, justement, ne consiste plus dans une démonstration masculine de virilité, mais dans une démonstration féminine de tendresse ?

C'est forcément là, à travers le quotidien et les événements marquants de notre histoire, qu'on peut trouver des clés positives, des orientations qui peuvent nous permettre de trouver le moyen d'alchimiser tout cela.

Voyez-vous, dans toute cette affaire, il faut savoir que la grande faiblesse de ce qu'on appelle "le mal", c'est qu'il s'autodétruit lui-même, et quand vous le regardez agir, il y a toujours possibilité de trouver sa faille. C'est pour cela qu'il n'y a pas vraiment de grande inquiétude à avoir ; dans la mesure où l'on sait déjà que le mal se détruit lui-même, qu'il porte en lui le germe de sa propre destruction, on sait aussi, maintenant, qu'il y a moyen d'éliminer en soi cette violence en identifiant ses éléments constitutifs et en les transmutant en tendresse.

J'espère donc qu'à l'issue de cet exposé, vous aurez maintenant une idée plus profonde de ce qu'évoque la violence en tant qu'expérience humaine et de ce qu'évoque la tendresse en tant que remède à la violence. Et, surtout, du chemin qui permet de passer de l'un à l'autre, à travers, bien entendu, un travail qui n'est pas si évident que ça, il faut bien le dire. La voie initiatique, même au niveau du quotidien, n'est pas une voie facile, elle est exigeante. C'est tout un entraînement qui est nécessaire pour pouvoir transformer progressivement un élan de violence en élan de tendresse. C'est la grande Loi de la Discipline sans laquelle il est impossible d'aller plus loin.

Dès lors, vous comprendrez donc qu'il se présente à nous toutes et tous un nouveau long chemin à parcourir, mais en même temps, il y a certains principes de base - tels ceux que nous avons abordés dans cet exposé - qui sont des clés pratiques, utiles, efficaces, et si, déjà, nous apprenons à identifier et à isoler nos petites violences quotidiennes - car pour les violences énormes, c'est une autre affaire - on peut alors les transformer en tendresse et quand on arrive à cela, le monde peut se transformer.

Alors, avec ce nouveau Cycle dans lequel nous entrons à peine, prenons la résolution de transcender notre violence en tendresse, car c'est un des plus beaux cadeaux que nous puissions nous offrir.

Je vous fait plein de câlins à toutes et à tous ![/size]

[size=18]Version audio: https://soundcloud.com/user-784969668/comprendre-et-transcender-la-violence
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